Menu avec Entrée ou dessert ? Sortie ciné ou sortie vélo ? Fac de droit ou école de commerce ? Toute notre vie, on tergiverse, on hésite au point parfois de ne plus être capable de trancher entre deux options. Pour quelle raison ? Nos choix influencent tôt ou tard nos vies et les prises de décisions ne sont pas toujours lumineuses. Que faire lorsque c’est son orientation professionnelle qui est dans la balance ?
Orientation professionnelle : pourquoi c'est si difficile de choisir ?
Menu avec Entrée ou dessert ? Sortie ciné ou sortie vélo? Fac de droit ou école de commerce ? Toute notre vie, on tergiverse, on hésite au point parfois de ne plus être capable de trancher entre deux options. Pour quelle raison ? Nos choix influencent tôt ou tard nos vies et les prises de décisions ne sont pas toujours lumineuses. Que faire lorsque c’est son orientation professionnelle qui est dans la balance ?

Mais pourquoi avons-nous du mal à choisir une voie professionnelle?
« Le choix est désagréable pour l’être humain parce qu’il engendre de l’incertitude », d’après Pierre Lainey, professeur en prise de décision à HEC Montréal. Face à un choix, on se demande quelles sont les chances pour que les conséquences de celui-ci se concrétisent de manière favorable ? Cela correspond à des situations que nous rencontrons journellement et sur lesquelles nous n’avons pas toujours de libre choix. »
Le manque de renseignements et d’informations sur les métiers
On choisit généralement son orientation professionnelle dès le lycée, au moment de basculer vers des études supérieures ou lorsqu’on cherche un emploi. Mais le processus de choix, lui, a commencé bien plus tôt : de quel milieu social êtes-vous originaires ? Dans quel établissement scolaire vos parents vous ont-ils inscrit ? Avez-vous pris des options techniques ou scientifiques ? Fréquemment, ce choix d’orientation nous est exigé avant même de savoir ce que l’on souhaite réellement faire. A ce jour, 43 % des 18-25 ans n’ont pas de projet professionnel au moment de choisir leur orientation post-bac (étude du Crédoc de 2018).
Quand on est face à différentes options, nous hésitons car on ne prend pas bien en compte les efforts ou les contraintes que ces choix exigent. « Si je m’engage dans ce domaine quelles seront les difficultés éventuelles que je pourrais rencontrer, les ressources que je dois mettre en oeuvre, combien de temps je devrais investir avant d’obtenir des résultats ? Comment cela sera-t-il perçu par mon entourage ? », Interroge Pierre Lainey. Toutes ces informations qui nous manquent peuvent augmenter l’inconfort que l’on peut percevoir face à ce choix.
Vouloir toucher à tout et ne renoncer à rien : la difficulté de choisir
Étrangement, dans une société où l’on peut accéder à quasiment toutes les fiches de métiers, l’offre paraît lourde et toute une vie ne suffirait pas à explorer l’ensemble des opportunités. Il en résulte une envie de tout faire, d’être partout (et nulle part à la fois ?), que l’on retrouve chez certains étudiants. Les jeunes ne veulent pas s’enfermer dans une case, ils aimeraient toucher à presque tout, ce qui rend le choix d’orientation très difficile, et revient à s’enfermer dans une spécialisation, un secteur. En d’autres termes, choisir une voie impliquerait de renoncer aux autres.
Paradoxe de Fredkin...
Ce phénomène porte un nom : le paradoxe de Fredkin (du nom d’Edward Fredkin, professeur en informatique). Comme l’âne de Buridan qui hésite entre un seau d’eau et un seau d’avoine et finit par mourir d’indécision, face à ce qui nous apparaît comme plusieurs bonnes opportunités, nous n’arrivons pas à nous décider. Or lorsqu’on s’apprête à choisir on a tendance à identifier les différentes options qui s’offrent à nous, puis à filtrer, c’est-à-dire, recentrer notre décision vers les options les plus intéressantes pour nous. C’est dans cette dernière étape, où le choix est le moins périlleux, puisqu’il ne reste que des solutions avantageuses, que nous hésitons le plus. « Dans une situation où un choix doit être fait, plus les options sont séduisantes, plus il est difficile de choisir mais moins les conséquences deviennent importantes », résume Fredkin. C’est ce paradoxe du choix qui explique que nous passions parfois une demi-heure à choisir un film sur Netflix, plutôt qu’à en lancer un sans se poser de questions ou que nous sommes angoissés à l’idée de choisir une perspective d’orientation professionnelle.

La pression sociale, la peur de l’échec ...
« Aussi, on sous-estime la force de la pression sociale que l’on peut ressentir à faire des choix. La société, notre milieu et notre classe sociale décident pour nous. Et on n’a pas conscience d’être dans des environnements aux contraintes souvent implicites », explique Pierre Lainey. Selon une étude de 2015, 35% des jeunes Français disaient choisir leur orientation post-bac en fonction de la réputation de l’école ou de l’université et 29% par intérêt pour les études en question. La difficulté de choisir dépend quelquefois d’une opposition entre ses envies intimes et la contrainte extérieure. L’injonction qu’il faut un travail bien rémunéré, parce qu’on espère qu’il nous permettra d’évoluer dans la société, d’avoir une bonne position sociale et de se procurer des biens matériels qui nous rendront heureux. « On hérite des craintes de nos proches et de leurs représentations », confirme Sonia Valente. L’entourage (famille, amis, cercles sociaux) peut nous influencer, nous amener à nous questionner, à douter de la pertinence de nos envies profondes.

La fuite du temps
Enfin, le choix de l’orientation est sujet à un biais qui consiste à se dire que celui-ci conditionnera notre futur : « Certains pensent qu’ils n’ont pas le droit de se tromper de voie au risque de gâcher 5 ans de leur vie. En France on a un vrai blocage là-dessus », affirme notre coach en reconversion. Et comme la durée moyenne des études supérieures est de 35 mois selon une enquête de 2015, la peur de perdre du temps trotte forcément dans les cerveaux. Or, se tromper ce n’est pas seulement faire le deuil des efforts, du temps et des ressources que l’on a investi dans un projet, c’est aussi sur le plan psychologique, devoir gérer des émotions négatives comme le regret. « Les individus veulent à tout prix éviter de ressentir du regret, au point parfois de persister dans une mauvaise idée, car ils s’y sont beaucoup investis. C’est ce que certains chercheurs ont nommé le biais des coûts irrécupérables ou biais de l’évitement du regret », explique Pierre Lainey.